Si vous demandez “mais pourquoi tu l’as lu?” continuez. Si vous voulez juste connaître l’intrigue, passez direct aux spoilers.

En début d’année, je me suis copieusement foutu de la gueule d’une collègue américaine fan de Twilight. Elle ne comprenait pas mes moqueries, et je lui ai expliqué que j’avais du mal avec le concept de vampires à paillettes, que déjà Ann Rice c’était bon pour les ados dââârk mais que là on tombait vraiment dans la littérature pour gamine prépubère, et que merde quoi elle avait passé 30 ans quand même. Dans un grand moment de “tu peux PAS comprendre”, la collègue m’a sorti le classique argument du “t’as pas lu donc tu peux pas critiquer”, suivi du “si t’es si ouvert d’esprit que ça, tu le lis si je te l’envoie?”. Je l’ai prévenue que mes dernières lectures de grosses merdes commerciales (deux Dan Brown, un Trône de Fer et deux Harry Potter) n’avaient pas changé mes avis tranchés. Encore qu’au moins les Harry Potter avaient l’excuse d’être des livres pour enfants.

Quelques mois plus tard, j’ai changé de projet et ai reçu en cadeau d’adieu le gros paperback noir, qui s’est mis à accumuler la poussière avec application sur mon étagère “littérature de la lose” (j’étais en train de lire du China Miéville donc les vampires disco pouvaient attendre).

Il y a quelques semaines, je ne sais pas trop ce qui m’a pris. Je devais aller trop bien, être trop heureux, avoir lu un peu trop de truc cools: j’avais fini Les Dingodossiers, un ou deux Warren Ellis, bref j’ai du avoir envie de repasser du côté obscur de la littérature, connaitre un peu mes ennemis tout ça. Donc j’ai ouvert Twilight. Comme on dit dans The Big Lebowski, je suis entré dans un monde de douleur.

 

Spoilaz!

Une ado maladroite retourne dans son bled vivre avec son papa divorcé. Elle ne connait personne au lycée et il fait moche tout le temps. Mais bon, il y a une famille d’élève super jolis qui vont à la cafèt’ tous les midis mais n’y mangent rien. Et ils sont trop beaux. Et trop pâles. Et puis un d’entre eux lui sauve la vie à grand coup de Celerity et Potence. Parce qu’en fait c’est un vampire (du genre Toréador, il a aussi Auspex) et il est trop beau. Il peut sortir en plein jour mais seulement quand le temps est couvert vu que sinon sa peau brille comme une boule à facettes. Et il est trop beau. Et puis ils ont trop envie de se tripoter quand on projette des films en cours de biologie mais ils osent pas. Et puis il se font des bisous. Et puis ils s’aiment. Et il est trop beau. Mais il s’interdit trop de l’aimer parce que c’est un vampire et qu’il risque trop de la pomper un jour et qu’il veut pas perdre ses points d’Humanité.  Alors il fronce les sourcils et il a les yeux qui changent de couleur. Et il est trop beau. Après, il la présente à sa famille vampire et ils vont jouer au baseball vampire avec Potence et Celerity et des battes en aluminium. Et puis des méchants vampires arrivent et un veut pomper l’héroïne, parce que. Non, non, le gars est pas Ventrue ni rien, il veut juste pomper cette humaine là et pas une autre. Et lui, il est trop méchant. Alors la trop belle famille va planquer l’héroïne et puis le méchant la retrouve mais en fait le gentil il la sauve. Parce qu’il l’aime et qu’il est trop beau. Ah et puis y a aussi un jeune indien loup-garou gentil qui n’aime pas les vampires mais bon, il a  pas encore fini de muer donc il est pas aussi cool que le vampire. Qui est trop beau. Et puis la gonzesse a trop envie de devenir vampire mais bon le vampire il veut pas parce qu’il dit qu’elle est trop jeune et qu’il vaut mieux attendre vu que Sarah Palin a dit que l’abstinence c’est trop cool. Ah merde je grille ma nanalyze psychanalytique de comptoir de la troisième partie. Et puis ça se termine au bal de promo. Et puis il est trop beau.

 

Jeune demoiselle recherche un mec mortel

Twilight est mal écrit a un point que ça fait trop peur sa mère. Le vocabulaire est du niveau de Fantômette, mais au moins Fantômette c’était moins répétitif. On te disait pas que Oui-Oui était trop beau toutes les trois pages. Oui, je confonds mais bon. Twilight, c’est Beverly Hills avec des péquenots ricains et des vampires à la place des gosses de riches californiens. C’est Premiers Baisers avec des canines. C’est répétitif, c’est prévisible, c’est déjà vu, c’est affligeant.

Alors oui, on pourrait y voir une subtile métaphore sur l’adolescence, la passion naissante. les premiers émois au lycée, la découverte de l’autre, à la fois si attirant et si dangereux. C’est pas nouveau et les jeux White Wolf l’ont déjà fait, exploitant le côté un peu sulfureux du mythe du vampire, le malaise, les références à l’homosexualité, à l’automutilation etc. Twilight a choisi le côté moraliste, dégoulinant de bons sentiment bien conservateurs, à base de présentation aux parents d’un homme idéalisé grand beau, fort, riche, qui joue trop bien du piano, compose et conduit vite sa super voiture. Et puis il est super sûr de lui, vu qu’il est trop expérimenté (forcément c’est un vampire donc il a un peu un siècle), mais romantique quand même, et puis un peu torturé, parce que c’est cool. On se croirait dans la chanson de Diam’s tellement le vampire il a le torse de d’Angelo. Le côté “refus de l’Etreinte” sent tellement le message sur l’abstinence que c’est honteux, et on se fend même d’une petit allusion créationniste, à un moment.

Bon, je m’arrête là, je crois que j’ai eu ma dose de grosses merdes pour 2010. Voire 2011, parce que cet étron littéraire, il est trop beau.

 

[Note: repost d’un article publié sur fessebouc le 22 Novembre 2010.  Effectivement ça m’a tellement écoeuré que je n’ai pas lu de grosse bouse en 2011]

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8 Responses to Masochisme littéraire ou “J’ai fini Twilight”

  1. gaëlle r. says:

    Je trouve ton article excellent, j’en ris encore (je l’avais déjà lu sur FB en son temps).

    Dans le genre de défi naze (gna gna gna t’as pas lu donc tu peux pas critiquer) j’ai lu le Da Vinci Code. Dans la douleur. Et comme j’ai un côté monomaniaque irrépréhensible, je l’ai lu jusqu’au bout… Dans la douleur.

    Concernant Trône de fer, j’avais décidé de ne pas le lire, mais tout le monde m’en parle de façon quasi hystérique (même Charlie Krank me l’a fortement conseillé). J’ai cédé et je vais tenter de le coup.

    • thomasbe says:

      Honnêtement le Trône de Fer c’est très divertissant, prenant et bien rythmé. C’est un ramassis de cliché méd-fan par contre, donc ça me fait vomir quand j’entends parler de chef d’oeuvre. Même bien exécuté, un copier-coller de civilisations historiques standard ça reste un copier-coller. La meilleure narration du monde ne rattrape pas un univers du niveau des Royaumes Oubliés ou de Nightprowler 1ere édition, plus bateau tu meurs.

  2. Munin says:

    Je ne comprends pas… Que font des vampires au lycée ? Et de quel danger le vampire (trop beau) sauve la jeune fille au tout début ? Quel péril court-elle dans un bled de péquenots ?

    La réponse est peut-être dans les 3 tomes suivants ? Je te mets au défi de les lire ! 🙂

  3. erwik says:

    Munin : il la sauve d’un terrible danger tu parles, un accident de la route
    en tout cas chouette article mais pour la défense de l’auteur (même si je la hais de tout mon coeur cette mormonne conne) t’es comme moi, t’as trop fait de vampire la mascarade pour apprécier SON myhe du vampire hihi

  4. thomasbe says:

    Je suis ouvert à différents mythes du vampire, et celui de White Wolf a clairement ses limites, mais les boules disco c’est juste pas possible si on se prend au sérieux. Ce qui est le case de l’aut’ mormonne.

  5. Vicky says:

    Alors bon, ton article m’a fait trop rire. Déjà.

    Mais aussi (surtout?) parce que j’ai vécu la situation similaire du “Tu peux trop pas critiquer t’as pas luuuuuuuuu”. Alors voilà, moi j’ai lu les 2 derniers (parce que les deux premiers étant déjà sortis au cinéma, voire la bande-annonce suffit à rattraper tout ce qu’il faut savoir sur la trame de l’histoire).
    Et là… toujours rien. Mais alors, rien dans le tome 3.

    Ceci dit, dans le 4, tout part en c***…acahuètes. Oui parce que bon, (spoiler alert!) maintenant qu’ils sont mariés, ils peuvent enfin profiter de leur vie sexuelle façon Mormont. Et là: elle tombe enceinte! Oui parce que c’est bien connu, les vampires ont de quoi faire des enfants, étant donné qu’ils se nourrissent exclusivement de sang. Enfin bon, c’était peut-être les paillettes.
    Enfin, baby vampire spawn est en chemin et casse des côtes à Belle car il grandit trop vite! Du gorre!!!

    Ensuite, il y a les préparatifs de bataille de deux armées vampires l’une contre l’autre, avec des mix de loups-garous et de mecs avec des pouvoirs style et blabla stratégies de bataille à n’en plus finir! Et là, toi pauvre lecteur non averti et plein d’espoir, tu te dis: chouette! de l’action!

    … Et bien, non. Non de nom.

    Pas de foutage sur la gueule au pays des vampires à paillettes. Ils y viennent, se font face à face dans un champ (probablement sous fond de musique de Muse) et ensuite se serrent la main et rentrent tous chez eux et vivent happily ever after. Oui, parfaitement monsieur.

    Alors voilà, je compatis au masochisme-nanar littéraire. Mais ça te rappelle à quel point les bons livres sont… bons, finalement? 🙂

  6. […] le dire maintenant : Twilight, c’est de la merde! C’est un peu la même démarche que l’ami Thomas B avec le livre qui a inspiré le film. Honnêtement, j’ai cherché à comprendre ce qui […]

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